Après quatre mois d’attente, le président du Conseil, Faure Essozimna Gnassingbé, a rendu publique, le 8 octobre 2025, la composition du tout premier gouvernement de la Ve République togolaise.
Cette équipe resserrée de 27 membres, dont 10 ministres délégués et 5 femmes, marque un tournant institutionnel majeur : la disparition du poste de Premier ministre et la recentralisation du pouvoir exécutif autour de la Présidence du Conseil.




Une Ve République sans Premier ministre
C’est l’un des changements les plus structurants du nouveau système politique togolais.
La Ve République, entrée en vigueur en 2025, abolit la fonction de Premier ministre. Désormais, Faure Gnassingbé assume directement la présidence du Conseil, c’est-à-dire la direction du gouvernement.
Conséquence immédiate : plusieurs portefeuilles stratégiques sont rattachés à la Présidence du Conseil, notamment :
- La Défense nationale,
- La Fonction publique,
- Le Travail et le dialogue social,
- Et les Transports.
Ce recentrage illustre une concentration accrue du pouvoir exécutif, un pilotage plus direct des affaires de l’État et une volonté de “rationaliser la chaîne décisionnelle”.
Une équipe plus resserrée et plus technocratique
Le gouvernement Tomégah-Dogbé II (2023–2024) comptait 33 membres, dont 10 femmes.
Le nouveau gouvernement n’en compte plus que 27, soit 6 de moins, avec une proportion féminine réduite à 18,5 % (5 sur 27).
Cette réduction s’inscrit dans une logique d’efficacité et d’austérité administrative.
À titre de comparaison, si un ministre gagne en moyenne 2 millions de FCFA par mois, la baisse de six postes permettrait d’économiser près de 144 millions de FCFA par an sur les seules rémunérations ministérielles — sans compter les avantages logistiques et budgétaires liés à chaque portefeuille.
Une manière pour le gouvernement d’afficher un signal de rigueur et de recentrage sur l’essentiel.
| Nom | Poste actuel (2025) | Première entrée | Durée approximative | Remarques |
|---|---|---|---|---|
| Gilbert Bawara | Relations avec le Parlement et les institutions | 2005 | ~20ans | Fidèle du président, a occupé le Travail, Fonction publique, Dialogue social… |
| Robert Dussey | Affaires étrangères, Coopération, Intégration africaine et Togolais de l’extérieur | 2013 | ~12 ans | Diplomate phare du régime, architecte des relations extérieures. |
| Cina Lawson | Efficacité du service public et Transformation numérique | 2010 | ~15 ans | Min. du numérique depuis 2010, symbole de la modernisation numérique. |
| Calixte Batossie Madjoulba | Sécurité et Protection civile | 2019 | ~6 ans (mais haut gradé depuis 2010s) | Ancien attaché militaire à Paris, pilier sécuritaire depuis l’assassinat d’Akila Esso Boko. |
| Nom | Poste actuel (2025) | Première entrée | Durée approximative | Remarques |
|---|---|---|---|---|
| Antoine Lekpa Gbegbeni | Agriculture, Pêche et Souveraineté alimentaire | 2018 | ~7 ans | Spécialiste agricole, déjà ministre sous Dogbé I et II. |
| Kokoroko Komlan Dodzi | Environnement, Ressources forestières et Changement climatique | 2020 | ~5 ans | Ex-ministre de l’Éducation nationale, figure universitaire reconvertie en politique. |
| Mazamesso Assih | Développement à la base et Économie sociale | 2020 | ~5 ans | Déjà ministre déléguée sous la Présidence, montée en puissance. |
| Kodjo Sévon-Tépé Adedze | Aménagement du territoire, Urbanisme et Habitat | 2019 | ~6 ans | Ex-président de l’Assemblée nationale, plusieurs ministères depuis 2019. |
| Sani Yaya | Ministre délégué aux Infrastructures | 2016 | ~9 ans | Ancien ministre des Finances, désormais repositionné sous un portefeuille technique. |
| Nom | Poste actuel (2025) | Première entrée | Remarques |
|---|---|---|---|
| Badanam Patoki | Économie et Veille stratégique | 2025 | Nouveau portefeuille créé. Profil technocratique. |
| Jean-Marie Koffi Tessi | Santé, Hygiène publique et Couverture universelle | 2024 (en tant que délégué), confirmé 2025 | Médecin-économiste. |
| Martine Moni Sankaredja | Solidarité, Genre, Famille et Protection de l’enfance | 2025 | Nouvelle venue. |
| Isaac Tchiakpé | Tourisme, Culture et Arts | 2025 | Succède à Kossi Lamadokou. |
| Koamy Gomado | Développement local | 2024 | Déjà brièvement ministre délégué sous Dogbé II. |
| Robert Kossi Messan-Ekoué | Énergie et Ressources minières | 2025 | Nouveau profil technique. |
| Kossi Tenou | Commerce et Contrôle de la qualité | 2025 | Nouvelle génération de cadres économiques. |
| Gado Tchangbedji | Enseignement supérieur et Recherche scientifique | 2025 | Universitaire, première entrée. |
| Abdoul Fad Pofana | Jeunesse et Emploi des jeunes | 2025 | Représente le renouvellement générationnel. |
| Sena Alipui | Eau et Assainissement | 2025 | Ancien député, première entrée au gouvernement. |
| Manuella Modoukpe Santos | Promotion des investissements et Souveraineté économique | 2023 | Montée rapide depuis la Présidence. |
12 ministres écartés, 8 nouvelles figures
Derrière la continuité affichée, le renouvellement est bien réel.
Sur les 27 membres, 12 ministres de l’équipe sortante ne figurent plus au nouveau gouvernement, parmi eux :
- Victoire Tomégah-Dogbé, ex-Première ministre, poste désormais supprimé ;
- Yark Damehane , ex-Ministre des ressources halieutiques
- Christian Trimua, ex-ministre et secrétaire général du gouvernement ;
- Kossi Lamadokou, ex-ministre de la Culture et du Tourisme ;
- Edem Tengue, ex-ministre de la Pêche et de l’Économie maritime ;
- Ihou Wateba, ex-ministre de l’Enseignement supérieur ;
- Lidi Bessi-Kama, ex-ministre des Sports ;
- Katari Foli-Bazi, ex-ministre de l’Environnement ;
- Guy Mipamb Nahm-Tchougli, ex-ministre de la Justice ;
À l’inverse, 8 nouvelles figures font leur entrée, symbolisant un régime de transition générationnelle où se côtoient vétérans politiques et technocrates issus de l’administration et du secteur privé.
Des ministères réorganisés et de nouvelles priorités économiques
L’innovation majeure vient de la création du ministère de l’Économie et de la Veille stratégique, confié à Badanam Patoki.
Sa mission : surveiller les indicateurs macroéconomiques, anticiper les déséquilibres conjoncturels et renforcer la compétitivité du pays.
Autres portefeuilles inédits ou réorganisés :
- Ministère de l’Efficacité du service public et de la Transformation numérique, piloté par Cina Lawson ;
- Ministère de la Solidarité, du Genre, de la Famille et de la Protection de l’Enfance, dirigé par Martine Moni Sankaredja ;
- Ministère de la Promotion des investissements, de l’Industrie et de la Souveraineté économique, confié à Manuella Modoukpe Santos.
Ces créations traduisent une orientation clairement économique et managériale de l’action publique, avec un accent sur la performance, l’attractivité et la souveraineté.
Les femmes du gouvernement : moins nombreuses, mais plus influentes
Elles ne sont que 5 sur 27, mais leur présence est stratégique.
Les ministres Cina Lawson, Mazamesso Assih, Yawa Kouigan, Manuella Modoukpe Santos et Martine Moni Sankaredja occupent des postes clés liés à la communication, au numérique, à la solidarité et à la souveraineté économique.
Leur positionnement illustre une évolution vers un rôle plus décisionnel, loin des ministères symboliques traditionnellement attribués aux femmes.
Fidélité et expérience : les poids lourds restent en place
Malgré le renouvellement, certains piliers du système politique togolais conservent leurs postes :
- Gilbert Bawara (au gouvernement depuis 2005) reste ministre des Relations avec le Parlement ;
- Robert Dussey, chef de la diplomatie togolaise depuis 2013, garde les Affaires étrangères ;
- Cina Lawson, toujours à la tête du numérique ;
- Calixte Madjoulba, qui conserve le portefeuille de la Sécurité.
Ces ministres incarnent la continuité du pouvoir et la stabilité des secteurs stratégiques dans un contexte régional instable.
Un gouvernement équilibré, symbole de la Ve République
La nomination de Kodjo Sévon-Tépé Adedze, jusque-là président de l’Assemblée nationale, au ministère de l’Aménagement du territoire illustre la mobilité du personnel politique voulue par Faure Gnassingbé.
Le président du Conseil a visiblement cherché un équilibre entre expérience, fidélité et renouvellement technocratique.
Avec cette équipe de 27 membres, la Ve République togolaise entre dans une phase de gouvernance plus directe, plus rationalisée et plus mesurée.
🔹 En chiffres
| Indicateur | Gouvernement 2023 | Gouvernement 2025 |
|---|---|---|
| Nombre total de ministres | 33 | 27 |
| Femmes ministres | 10 | 5 |
| Ministres délégués | 7 | 10 |
| Ministres sortants | — | 12 |
| Nouveaux ministres | — | 8 |


