La crise politique à Madagascar franchit un nouveau seuil. Après plus de deux semaines de manifestations massives contre le président Andry Rajoelina, une partie de l’armée a décidé de se ranger du côté des protestataires.
Ce dimanche matin, la présidence a dénoncé une « tentative de prise de pouvoir illégale et par la force », tandis que des officiers du Capsat (Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques) affirment désormais prendre le contrôle de l’ensemble des forces armées.
“Nous refusons de tirer sur le peuple” : l’appel à la désobéissance militaire
La journée de samedi 11 octobre restera sans doute un tournant dans l’histoire récente du pays.
Alors que des milliers de citoyens se rassemblaient sur la place du 13-Mai à Antananarivo, plusieurs groupes de soldats ont quitté leurs casernes pour rejoindre la foule, brandissant le drapeau national aux cris de « peuple, armée, même combat ! ».
Dans une vidéo devenue virale, le colonel Mickaël Randrianirina, figure du Capsat, a appelé ses hommes à désobéir aux ordres de répression :
« Nous sommes là pour protéger, pas pour terroriser. »
Des véhicules blindés ont ensuite été aperçus entrant dans la capitale sous les acclamations des manifestants.
“Le peuple n’en peut plus” : la rue réclame le départ du président

À l’origine, la contestation avait éclaté fin septembre autour des pannes d’électricité et des pénuries d’eau. Mais elle s’est rapidement transformée en mouvement de révolte contre le pouvoir, mené notamment par le collectif Gen Z, regroupant jeunes militants et influenceurs.
Leur mot d’ordre est désormais clair : le départ d’Andry Rajoelina et du président du Sénat.
« S’il ne part pas, on court au bain de sang », confie Benja, un manifestant présent sur la place du 13-Mai.
« Les militaires nous soutiennent, c’est le signe que le peuple n’est plus seul. »
Une capitale sous tension, un pouvoir silencieux
Alors que des scènes de liesse se mêlaient à des coups de feu sporadiques, le président Rajoelina est resté silencieux toute la journée de samedi.
Dans la soirée, la présidence a tenté de rassurer en affirmant que le chef de l’État se trouvait « toujours sur le territoire national » et qu’il continuait « à diriger les affaires du pays aux côtés du Premier ministre ».
Le Premier ministre Ruphin Zafisambo, récemment nommé, a pour sa part lancé un appel au calme :
« Une seule armée, un seul peuple, un seul pays. Évitons de nous entretuer. »
Mais sur le terrain, la situation reste confuse : la gendarmerie a reconnu des abus et affirme ne plus recevoir d’ordres que de son propre commandement.
La police nationale, elle, dit vouloir protéger la population tout en dénonçant ses conditions de travail.
Des morts, des blessés, et la peur d’un engrenage
Selon des médias locaux, deux personnes ont perdu la vie et plus d’une vingtaine ont été blessées lors des affrontements de samedi.
Des tirs et explosions ont été signalés en fin de journée dans le centre d’Antananarivo, avant que la nuit ne retombe dans un calme précaire.
Dans le même temps, Air France a suspendu ses vols vers Madagascar jusqu’à lundi, en raison de l’instabilité.
« Ce n’est pas un coup d’État, c’est un cri du peuple”
Sur les réseaux sociaux, les vidéos des militaires rejoignant les manifestants font le tour du monde.
Pour beaucoup de Malgaches, il ne s’agit pas d’un putsch mais d’un « sursaut patriotique ».
« Ce n’est pas une guerre, c’est un réveil », estime un jeune influenceur. « On ne veut pas de sang, on veut du changement. »
Reste à savoir si le mouvement fera basculer le régime ou si le pouvoir parviendra à reprendre la main dans les prochaines heures.
Une chose est sûre : Madagascar n’a jamais semblé aussi proche de la rupture.


