À 51 ans, le colonel Michael Randrianirina est devenu en l’espace de quelques jours l’homme le plus puissant de Madagascar. Mardi 14 octobre 2025, la Haute Cour constitutionnelle (HCC) l’a invité à exercer les fonctions de chef de l’État, après avoir constaté la vacance du pouvoir consécutive à la destitution du président Andry Rajoelina par l’Assemblée nationale.
Peu connu du grand public avant cette crise, ce militaire de carrière était pourtant une figure respectée dans le sud du pays. Originaire de la région de l’Androy, il y a occupé le poste de gouverneur entre 2016 et 2018, après avoir dirigé le bataillon d’infanterie de Tuléar. Son parcours illustre celui d’un homme de terrain, habitué aux zones difficiles et aux missions délicates.

Mais c’est surtout son courage face au régime Rajoelina qui l’a propulsé sur le devant de la scène. Le samedi 11 octobre, dans une vidéo devenue virale, Randrianirina avait appelé les forces de sécurité à refuser de tirer sur les manifestants, en pleine révolte populaire contre les coupures d’eau, d’électricité et la crise économique.
« Refusons d’être rémunérés pour tirer sur nos frères », avait-il lancé. Ce message de désobéissance militaire a marqué un tournant : en quelques heures, une partie de l’armée a rallié les manifestants, précipitant la chute du régime.
Ancien prisonnier politique, Randrianirina avait été incarcéré entre novembre 2023 et février 2024 à la maison de force de Tsiafahy pour « incitation à la mutinerie ». Il avait ensuite été condamné à un an de prison avec sursis pour « atteinte à la sûreté de l’État ».
Un parcours de dissidence qui, rétrospectivement, annonçait déjà son rôle dans les événements d’octobre 2025.

Jusqu’à la veille de son investiture, il se présentait encore comme un simple officier. « Je ne suis qu’un exécutant », déclarait-il à notre correspondante à Antananarivo. Pourtant, c’est bien lui qui incarne désormais la transition et le nouveau pouvoir militaire que la HCC a chargé de stabiliser le pays.
Pour ses partisans, le colonel Randrianirina est l’homme du peuple, celui qui a refusé de tirer et qui a choisi la justice. Pour ses détracteurs, il symbolise un nouveau coup de force militaire dans une île déjà marquée par une longue histoire de transitions par la rue et la caserne.
Une chose est certaine : Madagascar entre dans une nouvelle ère, avec un colonel devenu chef d’État au nom de la contestation.


