La nomination de Kodjo Sévon-Tépé Adedze, président de l’Assemblée nationale, au poste de ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme et de l’Habitat dans le nouveau gouvernement de Faure Gnassingbé, soulève une question inédite dans la Ve République togolaise :
peut-il refuser de quitter son poste à la tête du Parlement ?
Un principe constitutionnel clair : l’incompatibilité des fonctions
La réponse, sur le plan juridique, est sans équivoque.
La Constitution togolaise et le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale prévoient expressément l’incompatibilité entre les fonctions parlementaires et celles de membre du gouvernement.
Autrement dit :
Dès qu’un député (ou un président de l’Assemblée) est nommé ministre, il doit démissionner de son mandat parlementaire avant d’entrer en fonction.
Ce principe découle de la séparation des pouvoirs, pilier de toute démocratie représentative.
Il vise à éviter qu’un responsable puisse exercer simultanément des fonctions exécutives et législatives.
La situation d’Adedze : un dilemme institutionnel inédit
En acceptant le portefeuille ministériel, Kodjo Adedze est tenu de renoncer à la présidence du Parlement, même si sa démission n’a pas encore été officialisée.
Dans les faits, deux options s’offrent à lui :
- Accepter le poste ministériel → il doit démissionner de la présidence de l’Assemblée avant son entrée en fonction.
- Refuser le portefeuille → il reste président de l’Assemblée, mais prend le risque de froisser le chef de l’État.
Une troisième voie — celle du cumul — n’existe pas juridiquement.
L’article sur l’incompatibilité est impératif et ne souffre d’aucune exception, même en période de transition institutionnelle.
Un acte plus politique que juridique
Derrière ce cadre légal, se cache une manœuvre politique.
En nommant Adedze ministre, Faure Gnassingbé le place dans une situation où le refus devient difficilement envisageable.
Car dire non à une proposition présidentielle, dans un système fortement centralisé comme celui du Togo, reviendrait à désavouer la confiance du chef de l’État.
“Dans la pratique, le président de l’Assemblée n’a pas vraiment le choix. Accepter, c’est rester dans le cercle du pouvoir ; refuser, c’est s’en éloigner”, explique un analyste politique que nous avons consulté .
Pourquoi ce mouvement maintenant ?
Ce repositionnement s’inscrit dans la logique de la Ve République, où la fonction de Premier ministre a disparu au profit d’un gouvernement directement rattaché à la Présidence du Conseil.
En intégrant Adedze à l’exécutif, Faure Gnassingbé :
- rééquilibre la représentation géographique (deux personnalités du sud ne peuvent occuper les deux plus hautes fonctions institutionnelles),
- récompense la loyauté d’un cadre fidèle,
- et ouvre la voie à une nouvelle présidence de l’Assemblée nationale, probablement issue des Plateaux ou de la Région centrale.
En résumé
| Question | Réponse |
|---|---|
| Peut-il refuser de démissionner ? | Oui, mais cela revient à refuser sa nomination au gouvernement |
| Peut-il cumuler les deux postes ? | Non, la Constitution l’interdit formellement |
| Quelle est la procédure ? | Démission du poste parlementaire avant la prise de fonction ministérielle |
| Que révèle ce choix ? | Une recomposition politique et un rééquilibrage géographique orchestrés par Faure Gnassingbé |
| Nature du dilemme | Juridiquement clair, mais politiquement contraignant |
Un précédent politique
Jamais sous Faure Gnassingbé, un président de l’Assemblée nationale n’avait été transféré vers le gouvernement.
Ce précédent montre que la nouvelle architecture de la Ve République renforce encore davantage le poids de l’exécutif sur le législatif.
Le dilemme d’Adedze n’est donc pas une crise : c’est une démonstration.
Celle d’un pouvoir qui, même dans ses équilibres internes, reste maîtrisé depuis la Présidence du Conseil.
Non, Kodjo Adedze ne peut pas refuser de démissionner tout en acceptant le portefeuille ministériel.
Le droit est formel.
Mais dans la réalité politique togolaise, ce n’est pas tant la loi que la loyauté qui détermine la décision.
Et sur ce terrain, Faure Gnassingbé n’a pas l’habitude de laisser le hasard décider.


