La crise politique malgache a atteint son paroxysme ce mardi. Quelques heures après que l’Assemblée nationale a voté la destitution du président Andry Rajoelina, les militaires du Capsat (Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques) ont annoncé la prise du pouvoir, suspendant la Constitution et plusieurs institutions de la République.
Une séquence vertigineuse qui plonge la Grande Île dans une nouvelle ère d’incertitude politique.
Bras de fer entre le président et le Parlement
Ce mardi 14 octobre, les députés ont adopté, à 130 voix sur 163, la destitution du chef de l’État pour “abandon de poste”. Une décision intervenue malgré un décret présidentiel publié quelques heures plus tôt dissolvant l’Assemblée nationale.
Les parlementaires ont jugé cet acte “illégal et anticonstitutionnel” et ont maintenu leur session.
« Devant le piétinement continu de la Constitution et selon la volonté du peuple, nous prenons le pouvoir », a déclaré le colonel Michael Randrianirina, chef du Capsat, face à la presse et à une foule en liesse place du 13-Mai à Antananarivo.
L’armée prend les commandes
Peu après le vote, les militaires du Capsat ont annoncé la suspension de la Constitution, la dissolution du Sénat et de la Haute Cour constitutionnelle, tout en laissant l’Assemblée nationale “poursuivre son travail”.
Ils ont également annoncé la création d’un Conseil des présidents, composé uniquement d’officiers de l’armée et de la gendarmerie, chargé d’assurer la transition.
Une Haute Cour des réformes devrait être instituée et un référendum national organisé d’ici deux ans, selon les militaires.
Réactions nationales et internationales
Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, la présidence de Madagascar a dénoncé “une tentative de coup d’État”, affirmant que le président Rajoelina “demeure pleinement en fonction”.
De son côté, la Haute Cour constitutionnelle, réunie en urgence, a déclaré la vacance du pouvoir et a invité “l’autorité militaire incarnée par le colonel Michael Randrianirina” à assurer l’intérim de la présidence.
Aux Nations unies, le porte-parole du secrétaire général a réagi avec prudence :
« Si un coup d’État est en cours, nous nous y opposerons », a déclaré Farhan Haq depuis New York.
Une insurrection née de la rue
La contestation a démarré le 25 septembre à l’appel de mouvements de jeunes, notamment le collectif Gen Z, dénonçant les pannes d’électricité, les pénuries d’eau et la corruption.
Le mouvement a rapidement pris une tournure politique. Le 11 octobre, une unité militaire s’est jointe aux manifestants, refusant de « tirer sur le peuple ».
Selon plusieurs sources diplomatiques, Andry Rajoelina aurait quitté le pays le 12 octobre à bord d’un avion militaire français. Il a réapparu le 13 octobre dans une vidéo enregistrée depuis un “lieu sûr”, appelant au respect de la Constitution.
Vers une transition militaire ?
À Antananarivo, des cris de joie et des drapeaux brandis ont accompagné l’annonce de la prise de pouvoir par les militaires.
Mais si certains voient en eux des “sauveurs du peuple”, d’autres redoutent un retour aux heures sombres des transitions militaires qui ont marqué l’histoire politique malgache.


