Le Cameroun retient son souffle. Huit millions d’électeurs sont appelés à voter ce dimanche pour désigner leur président. Un scrutin à un seul tour, organisé dans 31 000 bureaux de vote à travers le pays, et qui pourrait sceller la continuité d’un règne déjà entré dans l’histoire : celui de Paul Biya, au pouvoir depuis 43 ans.
Un vote crucial dans un climat de lassitude et d’attente
Dès 8 heures, les bureaux de vote ont ouvert leurs portes sur l’ensemble du territoire, sous la supervision d’Elecam, l’organe en charge de l’organisation du scrutin. L’enjeu est de taille : Paul Biya, 92 ans, brigue un huitième mandat qui le mènerait jusqu’à ses 99 ans.
Malgré son âge, le chef de l’État peut compter sur la machine électorale du RDPC, son parti, solidement implanté à travers le pays. Durant la campagne, il n’a tenu qu’un seul meeting, à Maroua, dans l’Extrême-Nord, bastion stratégique de son électorat.
Douze candidats, mais une opposition éclatée
Douze noms figurent officiellement sur les bulletins, bien que deux se soient désistés avant le scrutin. Parmi les principaux challengers :
- Issa Tchiroma Bakary (FSNC), ex-ministre devenu opposant, qui a attiré les foules à ses meetings.
- Bello Bouba Maïgari (UNDP), autre ancien allié du président, désormais en rupture avec le pouvoir.
- Cabral Libii (PCRN), jeune figure réformatrice arrivée troisième en 2018.
- Joshua Osih (SDF), héritier politique du défunt opposant Ni John Fru Ndi.
- Et Patricia Hermine Tomaïno Ndam Njoya (UDC), seule femme en lice.
L’économiste Jacques Bougha-Hagbe, Pierre Kwemo (UMS) et le jeune Samuel Iyodi Hiram (FDC) complètent la liste, symbolisant une opposition nombreuse mais morcelée.
En revanche, la candidature de Maurice Kamto, arrivé deuxième en 2018, a été invalidée, une absence qui pèse lourd sur la dynamique du camp anti-Biya.
L’opposition face à un géant politique
Pour les adversaires du président sortant, l’objectif est clair : tourner la page Biya et engager une transition démocratique. Mais faute d’un candidat unique, leurs chances apparaissent minces.
« Cette élection se joue en ordre dispersé », constate un observateur politique à Yaoundé. « L’opposition n’a pas réussi à s’unir, et c’est là toute la force du RDPC : il avance sur un terrain divisé. »
Le scrutin à un seul tour favorise en effet le président sortant, capable de l’emporter avec une simple majorité relative.
Un pays en crise, un électorat indécis
Le contexte socio-économique pèse aussi lourdement sur le vote.
Selon la Banque mondiale, plus de 10 millions de Camerounais vivent sous le seuil de pauvreté. Les régions de l’Extrême-Nord restent confrontées aux attaques de Boko Haram, tandis que la crise anglophone, dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, perdure depuis huit ans.
Dans ce climat tendu, les électeurs oscillent entre désillusion et espoir de changement.
Le taux de participation, souvent faible, pourrait être le facteur décisif, d’autant que près de 2 millions de nouveaux inscrits figurent sur les listes électorales cette année.
Elecam promet un scrutin « apaisé et transparent »
Face aux doutes, Elecam se veut rassurant.
« Tout est prêt », a affirmé son directeur général, Erick Essousse. « Les urnes, l’encre, les isoloirs, les bulletins : tout a été vérifié. Nous sommes déterminés à garantir un scrutin crédible et inclusif. »
Des observateurs nationaux et internationaux sont déployés sur le terrain pour surveiller les opérations de vote et le dépouillement.
Entre stabilité et changement
À l’heure où le pays s’interroge sur son avenir, la question est simple mais lourde de sens :
les Camerounais accorderont-ils à Paul Biya un huitième mandat, au nom de la stabilité, ou oseront-ils tourner la page d’un demi-siècle de pouvoir ?
La réponse sortira des urnes ce dimanche soir, dans un pays partagé entre la force de l’habitude et la soif de renouveau.


